Et si on redéfinissait un peu tout ceci ?
Quand Ever Bio Cosmetics a commencé, ce que nous voulions, c'était faire de la cosmétique bio, travailler dans les règles de l'art avec l'huile de graines de figues de barbarie. Mais on s'est rapidement rendu compte que cela ne suffirait pas à notre éthique.
A vrai dire, il y a huit ans ou presque, j'étais loin, très loin de m'imaginer qu'il nous faudrait tout ce temps pour arriver là où nous en sommes. Je m'imaginais encore moins ce qu'impliquait le monde de la cosmétique ethique, de la cosmétique vegan, de la cosmétique bio, ni la façon dont toutes les règles semblent pouvoir être contournées.
La Cosmétique Ethique d'Ever Bio Cosmetics
L'éthique et le produit.
Pour faire une huile de graines de figues de barbarie de qualité parfaite, je ne vais pas vous répéter qu'elle doit être pure, extraite à froid de graines issues de fruits cueillis mûrs... c'est bon, vous l'avez compris ça...? Sinon, je vous conseille de réviser ici...
Je pensais que tout le monde travaillait comme ça. On n'allait rien révolutionner, simplement faire découvrir cette huile de figue de barbarie, en se mettant sur une ligne cosmétique Bio et luxe sans en faire payer le prix.
Mais en fait, je n'imaginais pas à quel point nous étions différents, de tous les côtés. Contourner les règles semblait être la règle... Pouvoir se regarder dans le miroir le matin, pour nous, ce n'était pas une condition, c'est un état d'esprit.
Quand vous achetez de l'huile de pépins de figue de barbarie chez nous, elle est extraite à froid, mais pour de vrai. La manipulation est la suivante : pour extraire l'huile, vous n'avez pas besoin de chaleur. Vous mettez vos graines dans une presse qui tourne et qui broie en extrayant le précieux liquide. Problème : les presses du marché n'étant pas assez puissante, la presse chauffe en travaillant et délivre une huile chaude à très chaude ! J'ai lu la semaine dernière un article d'un site qui se vantait d'extraire l'huile à froid puisqu'elle ne sortait qu'à 60 degrés de la presse. C'est pas ce que j'appelle froid...
L'huile extraite par notre structure vient de fruits cueillis à maturité. Ca aussi, c'est une drôle d'histoire. Etant donné la saisonnalité de la plante, passé un certain délai, vous ne trouvez plus guère d'huile de graines de figues de barbarie sur le marché. L'astuce consiste alors à récupérer les graines de fruits encore verts. Vous avez bien de l'huile de graines de figues de barbarie, mais pas ses actifs.
Pour l'argan, contourner le coût consiste à ramasser les amandons tombés par terre une fois qu'ils ont été digérés par les chèvres très friandes du fruit. Vous avez bien de l'huile d'argan, mais dont les actifs ont été dissouts dans le tube digestif de la chèvre... oui oui, vous avez bien lu : c'est bien dans des crottes de chèvres qu'ont été ramassés les amandons de l'huile d'argan pressée dans la coopérative éthique du coin.
L'éthique et le travail
Notre huile est extraite au Maroc. Et le smic au Maroc n'est pas exactement le même qu'en France. Le niveau de vie est moins élevé. Compte tenu du prix auquel l'huile se vend et du prix du travail au Maroc, payez seulement à hauteur du smic nous paraissait trop peu. Tout le travail sans lequel nous n'aurions pas d'huile n'est pas assuré par nous. Il faut cueillir les fruits, les éplucher, séparer la pulpe des graines... c'est là le vrai travail... Les coopératives soit disant éthiques que nous avons rencontrées au début de notre parcours payaient travailleurs aux abois la moitié du smic... Ca non plus ça n'était pas possible.
Nous avons changé notre mode de production cette année. Les figues saines ne poussant plus dans la plaine, il fallait monter plus haut. Nous avons alors décidé de faire travailler les villages entiers par lesquels nous passions... vous trouverez toutes les informations dans l'article "concrètement vous faites comment?".
Il nous avait notamment été proposé une machine qui pouvait séparer la pulpe de la graine. Alors c'est sûr, à relativement court terme, c'était bien plus rentable. Mais se priver de fournir des emplois aux plus démunis, c'était pas non plus vraiment notre tasse de thé. Qu'on soit clair : c'est sûr, on est là pour gagner notre vie, mais le faire en écrasant le monde ou en rognant sur des budgets comme le travail, ou en tirant vers le bas des acteurs de la chaîne, ça ne correspond pas à ce que nous attendons de la vie et du monde en général.
Il y a une législation qui est en train de passer. Des accords commerciaux avec la Chine et le transport. Sous peu, il nous serait plus intéressant d'envoyer les figues en Chine, les faire presser sur place, et renvoyer l'huile en France... mais le bilan carbone on en parle ? Le bilan humain, on s'en contente ? Je trouve que le monde marche sur la tête à ce niveau là, et qu'il est irresponsable de ne prendre le commerce que par la lorgnette du profit. Mais je n'ai pas fait d'études de commerce, je l'avoue... C'est peut-être ça qui me sauve
Si on s'occupait davantage du profit que du commerce tel qu'on le pratique, on n'aurait pas ces flacons, et surtout pas ces habillages. Parce que devinez quoi ? Ils coûtent un peu plus cher qu'une étiquette. Notre marge serait bien plus intéressante. Mais avec l'habillage, on fait travailler Saïd et son atelier, on fait travailler une armada de couturières qui cousent les habillages, et en plus, c'est bien plus joli qu'une étiquette...
L'éthique et le BIO
Le label Bio, c'est une vaste arnaque. Je suis très déçue des normes. Je sais j'y vais fort, mais je pèse mes mots. J'imaginais qu'un laboratoire d'état fournissait le label Bio si vous respectiez les conditions. Mais pas du tout. Ce sont des laboratoires privés qui labellisent. Et vous devinez que ce n'est pas gratuit. Le label bio se paye, annuellement, et pour chacune des références que vous souhaitez estampiller.
On a de l'huile d'argan bio, de l'huile de graines de figues de barbarie bio, et des fournisseurs d'huiles essentielles bio. Si on mélange le tout, on a du 100% bio, comme pour le sérum Sublimissime par exemple. Et bien avoir 100% des ingrédients bio n'est pas suffisant pour écrire bio sur l'étiquette. Il vous faut payer, une fois de plus, pour pouvoir l'écrire... oui oui... même en ayant préalablement payé pour les huiles pures.
C'est à l'encontre du bon sens, mais je l'apprends à mes dépends : le bon sens et le commerce sont deux choses bien différentes.
Il existe donc des tas de petits producteurs travaillant bien mieux que de grosses multinationales, mais qui n'ont pas leurs moyens.
On a donc des gens qui travaillent en toute éthique, et naturellement, dans les règles de l'art mais n'ont pas les moyens de "se payer" le label bio d'un côté. De l'autre, de grosses multinationales qui n'ont pas de problème de finance, et ont bien compris le marché juteux que représentait le bio. Ils investissent dans le label au minima : on reste dans les clous, juste assez pour pouvoir écrire bio...
Vous saviez, bien entendu, que lorsque vous achetez un produit cosmétique bio, l'intégralité des composants ne le sont pas...? Ca c'est logique : lorsque vous faites une émulsion, l'ingrédient principal, c'est l'eau. Et de l'eau bio, ça n'existe pas. Donc, pour faire un cosmétique labellisable Bio, on vous impose un pourcentage.
Le pourcentage dépend du label, et tous les labels ne se valent pas. Mais du coup, il faut une norme. La norme, c'est elle qui va dire ce qu'il faut pour être label bio. Et voici la nouvelle norme iso 16 128 qui permet aux multinationales de devenir des éminents fournisseurs de produits bio en changeant un peu les curseurs des compositions... On permet notamment de mettre un peu de paraben, un peu de perturbateurs endocriniens, un peu de carcasse animale, un peu d'OGM... Green washing vous dites ? Rooooh, comme vous êtes !
Tout ceci me met dans une colère terrible, et je me sens un peu comme la grenouille de l'image. C'est à mon sens pour toutes ces raisons qu'il faut absolument que nous restions avant tout ethiques. Le reste suit...
Suzanne